
Ils sont chaque année des milliers en Suisse - environ 12.000 - à vouloir faire reconnaître ce qu’ils savent déjà faire. Pas parce qu’ils ont suivi une formation, mais parce qu’ils ont appris sur le terrain. À force de travailler, de gérer, de créer, de soigner. Ces parcours ne donnent pas toujours un papier, mais ils ont de la valeur. Et aujourd’hui, il existe un moyen de la faire reconnaître: la validation des acquis.
Qu'est-ce que la VAE?
La validation des acquis de l’expérience, ou VAE, permet d’obtenir un diplôme officiel sans retourner sur les bancs de l’école. Le dispositif est en place depuis le début des années 2000, et il s’est structuré dans tout le pays. Certaines filières sont cantonales, d’autres fédérales ou sectorielles, mais l’idée reste la même: prouver ce qu’on sait faire, sur la base de l’expérience réelle.
Le système s’adresse aux adultes, souvent dès 25 ans, qui ont accumulé au moins cinq ans d’expérience, dont deux dans le domaine visé. La VAE ne garantit pas l’obtention automatique d’un titre, mais elle ouvre la voie. Et pour beaucoup, c’est déjà un pas décisif.
À quoi sert vraiment la VAE?
La validation des acquis, c’est un raccourci, mais pas un passe-droit. Elle permet de faire reconnaître des compétences concrètes, acquises en travaillant, en s’engageant ou en formant les autres. Le but? Accéder à un diplôme - en partie ou en totalité - sans devoir tout recommencer depuis zéro.
Encore faut-il que l’expérience soit documentée. Elle doit être pertinente, liée au diplôme visé, et surtout vérifiable. On ne se contente pas de dire 'je sais faire' - il faut le montrer, l’expliquer, le prouver.
En Suisse, la VAE se décline sous trois grandes formes:
- Validation de titres professionnels fédéraux: CFC, AFP, brevets.
- Validation au sein des Hautes écoles spécialisées (HES): notamment pour les bachelors.
- Reconnaissance d’acquis pour entrer dans une formation: avec possibilité de dispense d’examens ou de cours.
Ce système, discret mais efficace, permet chaque année à des centaines de personnes de faire un saut professionnel ou de consolider ce qu’elles font déjà au quotidien.
Comment ça se passe, concrètement?
Une VAE prend du temps. Ce n’est pas une formalité administrative. En moyenne, il faut compter entre 6 mois et 2 ans pour aller jusqu’au bout. Mais chaque étape a son importance:
- Premier contact: on prend rendez-vous dans un centre VAE cantonal ou une école.
- Constitution du dossier: parcours, expériences, motivations. Il faut rassembler des preuves, rédiger, trier.
- Analyse de recevabilité: on vérifie que la demande est fondée.
- Création d’un portfolio: c’est le cœur de la démarche. On y décrit ce qu’on a appris, fait, géré. En détail.
- Évaluation: devant un jury. Entretien, mise en situation, ou simple lecture du dossier selon les cas.
- Décision finale: obtention du diplôme, partielle ou complète, ou refus motivé.
Combien ça coûte - et qui paie?
Tout dépend du niveau visé. Voici une idée des tarifs habituels:
Niveau visé | Coût estimé | Aide financière possible |
---|---|---|
CFC ou AFP | 500 à 1.200 CHF | Aides cantonales, employeur |
Bachelor HES | 800 à 2.000 CHF | Fonds de formation continue |
Accès par reconnaissance | Variable (parfois gratuit) | Subventions locales, gratuité selon les cantons |
Dans les faits, beaucoup ne paient qu’une partie du prix. En 2024, 62% des candidats ont bénéficié d’un financement extérieur. Et certains cantons proposent un accompagnement gratuit.
Quels diplômes peut-on obtenir?
La VAE ne couvre pas tous les diplômes, mais la liste s’allonge chaque année. Parmi les plus courants:
- Le CFC dans plus de 250 métiers.
- L’AFP, pour des parcours plus courts.
- Les brevets et diplômes professionnels (niveau post-CFC).
- Les titres HES dans des domaines comme l’informatique, la santé, le travail social, l’ingénierie.
- Certains modules universitaires, mais seulement dans des cas particuliers.
En 2024, plus de 2.300 CFC ont été obtenus via la VAE. Le secteur de la santé arrive en tête, suivi par le bâtiment et le commerce.
Quelques exemples concrets
Prénom | Diplôme validé | Canton |
---|---|---|
Nadia, 42 | CFC d’assistante socio-éducative | Vaud |
Thomas, 38 | CFC de logisticien | Genève |
Mireille, 54 | AFP d’assistante en soins | Valais |
Fahed, 45 | Brevet de gérant en restauration | Neuchâtel |
Li, 35 | Bachelor HES en informatique | Zurich |
En moyenne, ces parcours ont duré entre 9 et 24 mois. Ceux qui sont accompagnés par un conseiller ont plus de chances de réussir - 74% contre 38% en autonomie.
Aides et financements disponibles
Quand on veut faire valider ses acquis, le prix peut faire peur. Mais il existe des soutiens, parfois méconnus:
- Les cantons peuvent financer tout ou partie du dossier.
- Les employeurs participent parfois, en échange d’un engagement professionnel.
- Les conventions collectives prévoient des aides dans certains secteurs.
- Les frais sont souvent déductibles des impôts, sous condition.
Vaud, Genève et Berne disposent de services spécialisés qui accompagnent gratuitement les candidats tout au long du parcours.
Ce qui bloque souvent - et comment l’éviter?
Faire valider son expérience, ce n’est pas toujours simple. Voici ce qui revient souvent:
- Le dossier est incomplet ou mal structuré.
- On a du mal à formuler ce qu’on sait vraiment faire.
- Il manque des pièces justificatives.
- L’autoévaluation génère du stress ou des doutes.
Quelques conseils:
- Ne pas rester seul. Prendre contact avec un centre VAE au plus tôt.
- Préparer ses documents à l’avance (certificats, lettres, évaluations).
- Suivre un atelier de rédaction de portfolio.
- Simuler l’entretien final avec un professionnel.
Des règles différentes selon les cantons
Le système suisse est décentralisé. Et ça se voit. Chaque canton applique ses propres modalités d’accompagnement, de financement et d’évaluation.
- Vaud, Genève, Neuchâtel: services bien organisés, accompagnement souvent gratuit.
- Valais, Fribourg: moins structuré, mais possible via les services d’orientation.
- Tessin, Grisons: procédures plus restreintes, parfois centralisées à distance.
La langue joue aussi un rôle. Elle détermine le centre compétent, la langue d’évaluation et la forme des documents à fournir.
Et pour la suite?
Avec les pénuries dans certains secteurs, la VAE prend de l’importance. D’ici 2030, la Suisse veut doubler le nombre de validations.
En cours:
- Dématérialisation des procédures (dépôt en ligne, entretiens à distance).
- Référentiels harmonisés entre cantons.
- Ouverture à de nouveaux métiers (numérique, transition énergétique, aide à domicile).
L’objectif est clair: faire de la VAE une voie d’accès à la reconnaissance et à la formation tout au long de la vie.
Conclusion
Vous avez de l’expérience, des compétences, un vrai parcours - mais pas le diplôme? La validation des acquis est peut-être ce qu’il vous faut. En Suisse, les outils sont là, même s’ils restent parfois sous-utilisés. Avec un peu de temps, un bon dossier, et un accompagnement adapté, ce que vous savez faire peut enfin être reconnu. Et ça, ça change beaucoup de choses.
L’évolution de la VAE s’inscrit dans le cadre plus large des réformes éducatives suisses, comme le montre La stratégie nationale pour l'éducation en Suisse: enjeux, objectifs et mise en œuvre.